Compte rendu du stage Equipier scientifique juillet 2007
Le stage Equipier scientifique 2007 s’est déroulé en Ardèche, dans la cavité de Rochas Midroï. C’est un stage qui vise à former des cadres permettant d’organiser des journées de formations scientifiques.
Le premier jour nous avons réalisé une promenade sur le terrain pour observer les gorges de l’Ardèche sous tous ses aspects.
Du haut des falaises nous avons pu apprécier les formes générales du paysage, les gorges et les plateaux avoisinant. La rivière très sinueuse a coupé un virage à un endroit pour former le célèbre Pont D’arc. Nous avons pu observer plusieurs anticlinaux et synclinaux qui ont subis un arasement marin caractéristique et forme aujourd’hui une belle surface d’aplanissement.
Nous sommes descendus dans les gorges pour observer plusieurs phénomènes. Stéphane Jaillet nous a expliqué la formation des baumes et nous a montré les indices nous permettant de les différencier des encoches fluviatiles marquant les niveaux d’eau. Les baumes sont formées par la gélifraction, et les encoches fluviatiles par le creusement de l’eau.
Les encoches fluviatiles sont horizontales et souvent en discordances avec les couches calcaires, elles ne sont visibles qu’en bas des gorges à quelques mètres au-dessus du niveau de l’eau. Plus haut elles ne sont plus visibles car elles ont été érodées, les gorges s’élargissant petit à petit. Selon l’importance ces encoches peuvent devenir de véritables banquettes.
Les baumes se sont formées par gélifraction dans des couches un peu plus marneuses qui retiennent un peu plus l’eau qui sont donc soumis plus facilement au gel. Le résidu de cette érosion s’appelle un gélifract facilement reconnaissable car ce sont des petits morceaux de calcaires avec des rebords bien anguleux. Nous avons pu observer un placage de gélifract à l’intérieur d’une baume. Le placage a pu se maintenir grâce à une coulée de calcite qui a cimentée les gélifract. La gélifraction est un phénomène d’érosion qui se fait soit par l’amplitude thermique jour nuit qui fait éclater la roche, ou par l’eau qui est retenue dans des fissure ou dans une couche marneuse qui gèle sous l’action du froid. Il suffit qu’il y ait 1 ou 2 % d’argile en plus dans uns strate pour que celle-ci retienne l’eau et soit soumise à la gélifraction. Les baumes sont généralement parallèles à la stratification en place, car elles sont conditionnées par la lithologie d’une strate. On peut donc les retrouver à n’importe qu’elle altitude.
Nous réalisons un rapide spectre pétrographique des galets trouvés sur les berges de l’Ardèche. Nous remarquons une grande diversité de roches : basaltes, granites, gneiss, calcaire, schistes ...
Stéphane nous explique que l’Ardèche traverse des terrains d’âges et de natures bien différentes.
Nous finissons la promenade par la visite de la grotte de la madeleine où nous pouvons voir des formes de creusements typiquement souterraines : chenal de voûte, coupole, puits cheminée, banquettes limites, lapiaz de plafond ou microchenaux, coups de gouges et cupules d’érosion.
Nous rentrons le soir au gîte où nous suivons une conférence de Ludovic Mocochain qui nous expose sa thèse sur le creusement des grottes de l’Ardèche (Grotte St Marcel, Rochas Midroï, Grottes de la Madeleines ...)
Pour comprendre la formation des grottes Ardéchoises il faut avoir une vision très large de la situation au Messinien (environ 8 millions d’années) jusqu’à l’échelle du bassin méditerranée. La plaque Africaine embouti l’Espagne et ferme la méditerranée, qui n’est alimentée que par les rivières périméditerranéennes et l’actuel canal de Suez. Les scientifiques estiment que la méditerranée s’est alors asséchées en 1500 ans. Car le climat était plus chaud qu’actuellement, et l’apport des eaux fluviatiles était inférieur à l’évaporation. La méditerranée s’est transformée en un grand marais salant. Cette couche de sel se retrouve systématiquement dans les forages profonds en méditerranée entre 1000 et 1500 m de profondeur. Le niveau de base est ainsi descendu brutalement de 2000 m. Les eaux du Rhône se ont alors creusées un canyon de 2000 m de profondeur similaire au grand Canyon aux Etats-Unis pour rejoindre le niveau de base. Les gorges de l’Ardèche se sont creusées selon le même principe. Il y aurait eu une surrection de 200 m des plateaux Ardéchois pendant la crise du Méssinien.
On pense qu’une première petite karstification s’est faite des plateaux surplombant les gorges jusqu’ au niveau de base des gorges (sous le niveau de base actuel).
Puis une faiblesse est apparue au niveau du détroit de Gibraltar, qui céda sous la pression de l’océan Atlantique. La méditerranée s’est alors ré remplie en 33 ans estiment les spécialistes et a dépassé le niveau actuel de 130 m. La vitesse du courant au niveau du détroit est alors estimée à 150 km. Cet évènement majeur a fait baisser la salinité mondiale des océans, c’est ce que l’on appelle « la crise de salinité du Méssinien ».
Le niveau de base étant rapidement remonté, les fleuves et rivières périméditerranéenne se sont retrouvées noyées pour former des rias. La vitesse des courants a décrue considérablement, et une phase de sédimentation fluviatile et deltaïque a suivi cet évènement.
Le Rhône a déposé 1900 m de sédiments, et les canyons avoisinants dont l’Ardèche se sont remplis en sédiment en 3 millions d’année.
Les eaux s’écoulant dans le karst se sont alors retrouvées 200 m sous la rivière. L’eau a du creuser vers le haut pour retrouver le niveau de base. Cela explique les entrées de grotte à 210 m au dessus de la rivière actuelle (Rochas). On parle d’un creusement « per ascensum », du bas vers le haut.
Depuis 3 millions d’année la rivière de l’Ardèche creuse dans ses sédiments pour trouver son niveau de base actuel. Les eaux prisonnières dans le premier karst n’ont plus a remonter tout en haut des gorges elles ressortent par le niveau actuel (Midroï).
La thèse de Ludovic met ainsi en relation l’assèchement de la Méditerranée avec la genèse des gorges de l’Ardèche et le creusement des grottes « per ascensum ».
Le deuxième jour nous sommes allés tous ensemble faire la traversée du réseau Rochas-Midroï (du haut vers le bas). Nous avons fait tout un tas d’observation géomorphologique, sédimentaire …
Le soir nous avons défini ensemble des thèmes de travail et nous nous sommes divisés en équipes de 3 à 4 personnes pour travailler sur ces thèmes.
Nous avons choisi avec Franck, Gabriel, Clémence et moi même de tenter d’expliquer la genèse d’une galerie horizontale vers – 120 m.
Le troisième jour, nous sommes descendu dans le réseau pour réaliser la topographie très précise (1/200e) de la section que nous avons choisi d’étudier. C’est une étape indispensable pour toute étude scientifique. Nous avons réalisé des observations : traces de remplissage, forme de creusement en régime noyé, en régime lent et en régime rapide, affleurement stratigraphique de sédiment sur 4 m de haut, topologie des lieux …
Le quatrième jour, nous avons complété la topographie avec des zooms, des sections et panoramiques précis pour bien décrire toutes les observations faites la veille.
Le cinquième jour nous avons réalisé une publication de notre étude. A 17h30 nous avons été la première équipe a présenter notre travail avec des diapositives à l’ensemble des cadres et stagiaires.
L’équipe encadrante nous a félicités pour la qualité de nos schémas, la pertinence de nos propos et la qualité de notre travail en général.
Jean-François HAYET